Categories
Saved web pages

Les relais politiques français du régime de Bakou

En cette période très troublée en Nouvelle-Calédonie, le groupe d’amitié France-Azerbaïdjan de l’Assemblée nationale fait profil bas. Un seul député y siégeant a trouvé le temps de répondre à nos questions. « Nous avons de grandes sociétés françaises qui travaillent en Azerbaïdjan, avance André Villiers, député Horizons de l’Yonne. Les intérêts français doivent être ménagés. » Il indique que le groupe d’amitié avait « suspendu ses relations » avec son homologue de Bakou après les premiers signes d’épuration ethnique en septembre 2023.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Merci !Votre inscription a bien été prise en compte avec l’adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Le groupe d’amitié a déjà fait parler de lui en 2018, lorsque Marianne a révélé que son président, le tout fraîchement élu macroniste de l’Essonne Pierre-Alain Raphan, avait présenté à l’ambassade d’Azerbaïdjan un projet d’association visant à promouvoir le pays en France… Un lobbying clé en main, que Raphan se proposait de déployer avec trois collaborateurs à temps plein pour un budget de 2,8 millions d’euros par an, soit 230 000 euros par mois qu’aurait dépensés Bakou ! Depuis lors, l’ancien élu n’a visiblement pas changé sa bio sur son compte X, où s’affiche le mot-clé #Droitshumains. « Il a commis un certain nombre de boulettes, c’est le moins qu’on puisse dire », euphémise Jérôme Lambert, qui fut député PS de la Charente de 1986 à 1993 et de 1997 à 2022, et membre du groupe d’amitié de 2012 à 2022.

À LIRE AUSSI Aliev, ce dictateur qui en veut à la France

Cette association aurait fait concurrence à l’Association des amis de l’Azerbaïdjan (AAA), régulièrement pointée du doigt pour ses liens étroits avec l’ambassade du pays en France. Jérôme Lambert en est justement le président, depuis 2021. « Quand j’en ai pris la tête, j’ai dit à l’ancien président et aux Azerbaïdjanais de l’ambassade que je voulais bien m’en occuper, mais, attention, j’allais faire le ménage. Il ne sera plus question avec moi de pots-de-vin ou d’émoluments. Je serai un président bénévole et qui entend le rester », assure-t-il.

<FIGCAPTION>  <STRONG>Défense. </STRONG>La sénatrice (UDI) Nathalie Goulet fustige le « soutien systématique et inconditionnel » de la France envers l’Arménie.</FIGCAPTION> © SICCOLI PATRICK/SIPA
Défense. La sénatrice (UDI) Nathalie Goulet fustige le « soutien systématique et inconditionnel » de la France envers l’Arménie.
© SICCOLI PATRICK/SIPA

Du côté des habituels relais français de l’Azerbaïdjan, on condamne les ingérences évidentes en Nouvelle-Calédonie… tout en pointant l’attitude de la France. « Je ne peux pas cautionner des ingérences dans la politique française, c’est impossible », attaque la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet (UDI), qui, avec sept déplacements en Azerbaïdjan de 2015 à 2024, trouve néanmoins « regrettable »la dégradation des relations diplomatiques entre Paris et Bakou et fustige le « soutien systématique et inconditionnel » de la France envers l’Arménie.

<FIGCAPTION>  <STRONG>AAA. </STRONG>Jérôme Lambert, président de l’Association des amis de l’Azerbaïdjan, assure vouloir faire le ménage. </FIGCAPTION> © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA
AAA. Jérôme Lambert, président de l’Association des amis de l’Azerbaïdjan, assure vouloir faire le ménage. 
© CHRISTOPHE SAIDI/SIPA

Pays non alignés

« Il s’agit de toute évidence d’une manœuvre hostile » de la part de Bakou, complète l’eurodéputé RN Thierry Mariani, ancien président du groupe d’amitié France-Azerbaïdjan de l’Assemblée nationale (2012-2014). « Après, est-ce que tout cela a un vrai rôle dans le soulèvement en Nouvelle-Calédonie, personnellement, je suis sceptique. Qui a vraiment une influence dans cette zone et qui a de grands intérêts ? C’est plus la Chine que l’Azerbaïdjan », souligne-t-il.

À LIRE AUSSI Dans la poudrière calédonienne, pendant les émeutes

« La seule ingérence, c’est l’Azerbaïdjan qui a pris le leadership des pays non alignés », estime de son côté Jérôme Lambert. Le « député honoraire » balaie les accusations portées contre Bakou et refuse de condamner ses agissements. « Ils ont invité des indépendantistes qui ont pignon sur rue. S’ils avaient reçu des terroristes, j’aurais été le premier à le condamner », affirme Lambert, qui a multiplié ces dernières années les missions douteuses, non seulement à Bakou mais aussi à Damas, pour y rencontrer le dictateur Bachar el-Assad, et en Crimée annexée par la Russie, pour y légitimer des élections illégalement organisées par le Kremlin.

<FIGCAPTION>  <STRONG>Soutien. </STRONG>En 2017, le député (LR) Jean-François Mancel avait défendu la vision d’un pays laïque. </FIGCAPTION>
Soutien. En 2017, le député (LR) Jean-François Mancel avait défendu la vision d’un pays laïque.

« Surenchère inutile »

Alors que le Sénat votait en janvier une résolution condamnant notamment l’offensive militaire de Bakou, Jérôme Lambert dénonçait, via le compte X de l’association, « une résolution à contre-courant de la reconnaissance internationale de l’Azerbaïdjan sur son territoire du Karabakh ». « Le lobby de la diaspora arménienne, plus extrémiste que leur propre pays d’origine, nous entraîne dans une surenchère inutile », complétait-il. La sénatrice Nathalie Goulet avait été la seule élue à voter contre la résolution.

À LIRE AUSSI Aux frontières de l’Arménie, la guerre en suspens

« Est-ce qu’on a vraiment besoin de ces groupes d’amitié qui parfois se transforment en organes d’influence de pays étrangers ? » s’interroge de son côté le journaliste Laurent Richard. Auteur de plusieurs documentaires sur l’Azerbaïdjan et sa diplomatie du caviar, il avait été poursuivi en diffamation par Bakou pour avoir décrit le pays comme étant une « dictature parmi les plus féroces au monde ». Lors du procès, plusieurs élus français, parmi lesquels l’ancien député LR Jean-François Mancel, avaient défendu la vision d’un pays laïque, en progrès dans le domaine des droits de l’homme. Au bout du compte, la procédure avait été jugée irrecevable.